MARC - Médiation Agglomération Réseau Culture

Journée d’échanges sous la direction de Johanne Larrouzé

8 juin, 2012Conférence, Echanges

Le programme de cette journée d’échanges

Introduction

  1. Présentation rapide de l’Association MARC
  2. Présentation de Johanne Larrouzé
  3. Tour de table, présentation

Matinée :

Une ou des définitions de la médiation culturelle de l’art

  1. Création, conservation et diffusion
  2. Action culturelle
  3. Animation socioculturelle
  4. La médiation culturelle de l’art

Après-midi :

  1. Le rapport aux œuvres
  2. Le rapport au public et le rapport  au projet
  3. Etude de cas

 

 

Apports théoriques et études de cas

Le 22 mai 2012 au Volcan maritime – Le Havre – de 9h30 à 17h
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Musicienne de formation classique, Johanne Larrouzé étudie la musicologie puis la médiation culturelle de l’art à l’université de Provence. Aujourd’hui, elle y enseigne la méthodologie de projet de médiation dans la licence CMOPC et le master Médiation culturelle de l’art. Elle est également formatrice pour l’AGECIF. Porteuse de projets et médiatrice culturelle pour Ganesh Productions, elle réalise des missions de médiation pour des musées, de la recherche iconographique et réalise des films documentaires.

 

En préambule… 

Les projets de M.A.R.C. s’élaborent collectivement, en fonction de l’actualité de nos métiers ou de problématiques partagées, mais aussi, parfois, à l’initiative d’un de nos membres qui tient à nous faire partager une lecture, une rencontre, des apports de formation… Ce fut le cas pour cette journée d’échanges professionnels, qui nous a été proposée par Maryse Ricouard, revenue enthousiaste d’une formation dispensée par Johanne Larrouzé à l’Agecif. Nous avons donc proposé à Johanne de venir encadrer une journée d’échanges sur la définition de la médiation culturelle. Certaines questions continuaient en effet à nous agiter depuis nos rencontres précédentes : comment distinguer la médiation culturelle d’autres logiques d’action ? Ne faisons-nous pas parfois du marketing culturel plutôt que de la médiation culturelle quand nous allons « chercher » les publics ? Sans aller jusqu’à la modélisation, existe-t-il quelques principes pouvant caractériser ou guider une action de médiation culturelle ? Cette journée, hébergée par la scène nationale Le Volcan -que nous remercions -fut particulièrement dense. Nous vous proposons la synthèse de Florence Gamblin, qui mixe prise de notes et reformulations ou réflexions personnelles.

 

Johanne Larrouzé nous propose elle aussi d’aborder la médiation culturelle de l’art sous l’angle de sa « terminologie problématique » (le mot en propre et son rapport à ceux qu’on y associe fréquemment) :

  • « la médiation culturelle se positionne à un certain endroit de l’action culturelle ». 
  • « La médiation culturelle travaille à la démocratisation de l’art et de la culture » (mais elle n’est pas la seule logique d’action avec cette visée).
  • « La médiation culturelle de l’art parle de culture et d’art, mais la culture est entendue de plusieurs façons selon les logiques d’action et de démocratisation »…
  • « La médiation culturelle de l’art a à voir avec le rapport aux œuvres (au sens large de ce mot) : comment se saisir d’une œuvre ? »
  • « La médiation culturelle invite à s’interroger sur les termes publics et populations : il s’agit de construire des projets de médiation pour des populations », dans la visée d’en faire des publics.

 

 

Que nous révèle une rapide enquête sur les mots médiation culturelle et médiateur culturel

  • « ll n’y a pas de code ROME1 correspondant au métier de médiateur culturel comme il s’entend aujourd’hui dans les équipements culturels, où il est rattaché à la famille du développement des publics ». Le métier de médiateur décrit dans le fichier ROME relève du champ social, socioculturel ou médical 2.
  • Le mot médiation culturelle n’est pas plus clairement défini dans le vocabulaire institutionnel (un dispositif identifié, celui intitulé Médiation culturelle de l’art par la Région Rhône-Alpes) .
  • « Malgré la multiplication des formations universitaires à la médiation culturelle, la spécialité est positionnée dans différentes sections du CNU3 (arts, sociologie, sciences de l’information et de la communication…). Le même intitulé peut s’appliquer à des formations à des compétences différentes, ce qui opère un brouillage supplémentaire ».

1 Les Codes Rome (pour Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois) constituent un outil de classification des métiers utilisé par le Pôle Emploi français.
2 Résultats de recherches personnelles : 4 fiches ROME avec le métier de médiateur :
  • médiateur conjugal et familial (K1101),
  • médiateur de ville (K1204),
  • médiateur administratif + médiateur interculturel + médiateur social et culturel (K1205) ,
  •  médiateur culturel auprès de personnes diverses dont handicapées (K1206).
Il existe une fiche métier de « médiateur culturel » dans le Guide des métiers territoriaux de la FPT, dans le domaine d’activités Services à la population / Établissements et services patrimoniaux. Le médiateur culturel est médiateur du patrimoine, guide de musée, guide conférencier, chargé de mission patrimoine ou responsable du service des publics. NDR.
3 Conseil National des Universités, composé de 12 groupes, eux-mêmes divisés en 87 sections dont chacune correspond à une discipline universitaire.

 

Qu’apprendre de l’histoire de l’apparition du mot ? 

  • « Son émergence, en 1997, correspond à la mise en place du dispositif des Emplois-Jeunes »4.
  • « Les jeunes recrutés sous l’appellation de médiateurs culturels ont fait beaucoup de choses très différentes (relations avec les publics, animation, communication…), d’où un nouveau brouillage » (le médiateur à tout faire sauf peut-être ce qui devrait constituer son cœur de métier ?).

 

Pour clarifier le concept, il faut donc plutôt s’attacher à « tracer les logiques d’action et leur positionnement par rapport aux œuvres et au publics/populations » : 

 

1/ Premier temps de l’intervention culturelle publique : 

  • Trinité Création (= créer les œuvres) / Conservation (des œuvres) / Diffusion (= rendre les œuvres accessibles aux publics) ». 
  • • « S’opère ici une série de choix par rapport aux œuvres :
      • une sélection en regard de la nature des œuvres, selon des critères d’excellence, de qualité etc.
      • Ces choix sont révélateurs de la façon dont on définit l’art et la culture .
      • Diffuser, c’est aussi opérer des choix, avec une dimension personnelle et des critères rationalisables » (capacité de l’œuvre à émouvoir, à questionner, à renouveler les formes…).
      • • « Les questions essentielles sont donc ici :
      • qu’est-ce qui fait art ou non ?
      • Qu’est-ce qui fait œuvre ou non ?
      • La question du public n’est pas évoquée à cet endroit ».
  • L’intervention de l’État est alors majoritaire ; « la culture est pensée comme une offre et définie selon une métaphore agricole : action d’entretenir la nature humaine comme on entretient l’environnement pour le rendre cultivable, pour lutter contre l’état sauvage et la barbarie + nécessité de transmission de la culture (Il faut se cultiver). Autre métaphore : celle du semeur (les œuvres comme des graines qui vont ensemencer le public. Avec du temps et de bonnes conditions, on récoltera des hommes cultivés) ».• « Image d’une verticalité » de bout en bout : offre descendante de l’État et mouvement ascendant des graines qui prennent racine et se développent.

 


4 Sur ce point comme sur bien d’autres, se reporter à la communication de Marie-Christine BORDEAUX au 5ème Forum La Rencontre, colloque sur la médiation culturelle, 4 et 5 décembre 2008, Montréal. Actes en ligne : http://www.culturepourtous.ca/forum/2008/PDF/11_Bordeaux.pdf.

 

 

2/ Second temps, celui de l’action culturelle (dans son sens historique, qui ne signifie pas le regroupement des actions vers les publics) 

  • « Première politique inaugurée par Malraux en 1959. Elle repose sur la croyance du choc esthétique et de la toute-puissance des œuvres ».
  • La visée de la politique culturelle est alors de « rapprocher les populations et les œuvres », sans travail spécifique complémentaire (il faut mettre en contact et laisser agir les œuvres).
  • « Ouverture à une autre métaphore de la culture : la métaphore chimique (filiation Malraux/Schiller/Kant). Instantanéité de la réaction : un bouleversement est opéré au contact des œuvres, qui suspend notre représentation du monde. De retour au quotidien, il n’est plus possible d’agir de la même façon qu’auparavant. D’où un double effet des œuvres : elles bouleversent certains éléments considérés comme certains et acquis par l’individu, ce qui influencera possiblement les actions à venir de cet individu) ».
  • « Dans cette pensée de l’action culturelle, le travail culturel consiste à mettre en contact physique et donc géographique les populations et les œuvres. D’où le projet d’équipement culturel du territoire » (maillage territorial + politique des maisons de la culture). Autre souci : permettre l’accessibilité économique (rapprocher par un tarif abordable).
  • « Version contemporaine de cette action culturelle : aller jouer du théâtre dans des quartiers défavorisés ». Ne pas confondre ce genre d’action avec de la médiation culturelle.
  • On peut distinguer un second courant de l’action culturelle, qui considère que le choc artistique n’est pas suffisant. « Il faut apporter des informations aux publics pour qu’ils comprennent les œuvres (se reporter aux travaux de Bourdieu sur la distinction, contemporains de cette époque). L’école est désignée comme un déterminant fondamental de la pratique culturelle ». D’où le projet de lutte, dans le contexte scolaire, contre un déficit de culture et d’éducation. Autre possibilité : « se substituer, dans l’institution culturelle, à l’école quand elle a failli (cf. début des cartels et des services culturels et éducatifs dans les musées) ». « Le travail culturel est un travail pédagogique : il faut apprendre à lire les œuvres ». On se place dans une transmission de savoirs ; « l’action culturelle est pensée comme explication ». D’où le modèle de la visite guidée (qui instaure un savant et un ignorant). « Selon le dosage de cette action culturelle, il peut y avoir danger de réduction de l’œuvre d’art à un objet de savoir et de connaissance » en délaissant totalement le registre de l’émotion. Si le choc esthétique est ici abandonné, la continuité avec l’action culturelle se joue en terme d’accessibilité (circonscrite cette fois à l’école).

 

3/ Troisième temps : l’animation socioculturelle 

  • « Historiquement, l’animation socioculturelle a vocation à donner vie (= animer) à un groupe dans et par sa culture entendue au sens anthropologique du terme ».
  • On se réfère à la définition anthropologique de la culture : « les sciences, croyances, arts, lois, coutumes et autres facultés ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre d’une société ».
  • On est ici dans une logique d’échanges, de don contre don. « L’objectif est de partager et faire vivre la culture des gens autour d’œuvres ». A rapprocher de « la démocratie culturelle qui postule que nous sommes tous susceptibles de partager et de pratiquer une œuvre d’art » (avec le travers possible d’un enfermement dans la culture d’origine, déjà partagée).
  • « La césure a été forte entre les milieux culturels et socioculturels après la décision de Malraux de ne pas garder les mouvements d’éducation populaire dans son ministère ». « Il pourrait y avoir une vraie complémentarité des deux milieux , car le monde socioculturel travaille en proximité des populations et des territoire et a une conscience aiguë de ces questions (qui manque souvent au monde culturel) ».

 

 

4/ La médiation culturelle de l’art 

  • « Elle émerge dans le courant des années 1990 et se situe à l’embranchement de toutes ces logiques d’action ».
  • Elle ne consiste pas en une transmission de savoirs mais plutôt en une « logique d’émancipation des publics », en évacuant la problématique de la légitimité à parler des œuvres.
  • Il s’agit d’accompagner l’intelligence des publics dans une idée d’interprétation des œuvres plus que de compréhension. « On vise un état de liberté et d’indépendance par rapport aux œuvres d’art ».
  • • Il y a toujours une croyance en une puissance des œuvres «mais pas au côté naturel et systématique du bouleversement esthétique » (qui s’acquiert dans l’expérience). « Il s’agit de s’autoriser un regard et un discours sur les œuvres ».
  • Ce qui est inspiré par l’animation : « la nécessité d’une connaissance approfondie des personnes en position de public, prendre en considération ce qu’elles sont en dehors de leur rapport à l’art ». Et donc connaître leur culture au sens anthropologique du terme. Car la médiation « se nourrit de ce qui la précède ».
  • Cette médiation exige du temps, comme dans le temps 1 (celui de la métaphore agricole).

 

 

A partir d’extraits d’archives filmiques, réflexions sur la posture du médiateur culturel : 

  1. Dans le commentaire d’une œuvre : « préciser qu’on présente son interprétation et non pas la vérité de l’œuvre ». Ce qui n’exclut pas d’avoir un discours construit, mais aussi « objectivable et partageable ». Préférer « des interrogations à partager avec le public ». « Rendre sa subjectivité transparente et permettre à l’autre d’exprimer la sienne ».
  2. On parle souvent de préparer le public. « Mais le préparer à quoi ? A la connaissance de l’œuvre ? A ce qui va lui permettre une capitalisation vers une posture de spectateur d’une œuvre unique ou d’œuvres multiples ? Penser en termes de construction d’un spectateur », déclencher un désir de culture, d’interprétation des œuvres.
  3. « Reconnaître le droit à dire des bêtises sur les œuvres pour éviter le stress du musée » (révélé lors d’une étude, avec les modèles du bon et du mauvais visiteur). Rôle du médiateur : « décrisper les postures » et donner légitimation en faisant « rentrer dans les œuvres » (ne pas rester au niveau des représentations, faire passer à l’action).

 

 

A retenir de plusieurs temps de questions/réponses 

  • « Des tensions traversent notre relation aux œuvres. Le médiateur n’est pas là pour les attiser ou les apaiser ».
  • La médiation culturelle peut agir sur d’autres domaines que l’art (comme la médiation de la culture scientifique par exemple). « Le projet reste le même : accompagner l’autre dans son positionnement par rapport à un objet, un sujet, un champ ».
  • « L’art de la médiation = opérer un maillage fin entre ce qui fait la matérialité de l’œuvre et l’interprétation de cette œuvre » (On y reviendra).
  • • « Tous les artistes ne sont pas des médiateurs culturels. Les temps de création et de médiation diffèrent pour l’artiste » qui veut se faire médiateur. « Autres question à se poser : pourquoi rencontrer un artiste ? Quand ? Avec quels risques et quels apports pour les publics ? » Si toute parole sur l’œuvre est légitime, nécessité pour l’artiste de l’accepter, de ne pas avoir lui-même « une parole verrouillée sur son œuvre », sur sa signification, sinon risque que le public ne puisse s’autoriser sa propre vision, ce qui est l’objectif du médiateur. « Y a t-il une vérité unique de l’œuvre ? »
  • Donner la parole aux publics n’est pas toujours pratiquer la médiation culturelle ni instaurer un vrai dialogue. « Le fait de donner la parole au public n’est pas un indicateur fiable de la médiation culturelle ».
  • « Expliquer un minimum pour donner un cadre est différent de faire de l’explication de l’œuvre son objectif principal ».
  • « Le médiateur culturel n’est pas là pour faire aimer les œuvres ».
  • Autre secret du métier : « savoir être aussi sur le terrain, à la découverte des populations, sans rien à offrir, pour entrer en relation avec les gens » et apprendre d’eux. Pratiquer également « l’observation participante de certains lieux : cafés, sorties d’écoles ». Utiliser les outils de la sociologie et de l’ethnologie.
  • Certains publics peuvent avoir une attente de savoir sur les œuvres. « Rien n’interdit d’avoir plusieurs offres et selon plusieurs logiques d’action » (animation, atelier, visite guidée, école du spectateur, conférence, médiation…). C’est ce que fait très bien le musée Guimet par exemple.
  • Dans le spectacle vivant : « rythme effréné de la saison ». « Nécessité de choisir les spectacles sur lesquels on va faire de la médiation ».
  • Médiation et public scolaire : attention à attentes scolaires des enseignants. Proposer une approche qui « développe des compétences (dont certaines listées dans les programmes scolaires) » plutôt que l’acquisition de savoirs. « Inventer des formes innovantes de médiation à partir de contraintes ».
  • « Il n’est pas grave de ne pas faire de la médiation tout le temps. Par contre, importance d’être sincère et d’évaluer clairement le champ d’action dans lequel on se situe ».
  • « Le médiateur culturel est un spécialiste de la relation œuvre/public, ce qui n’est pas toujours la compétence du conservateur » ou du programmateur. Nécessité de former les directeurs d’équipements culturels et les élus à la médiation culturelle pour faire cesser certaines confusions.

 

 

A retenir d’une interview de Philippe Meirieu sur la place de l’art dans le développement de l’enfant (entretien avec Jean-Pierre Daniel). Extrait diffusé par Johanne Larrouzé : 

  • construire du symbolique, qui n’est ni la sidération, ni l’objectivation 
  • devenir capable de se penser, de penser ses propres contradictions, l’humain et l’inhumain 
  • relier l’intime (pas au sens psychologique) et l’universel 
  • manipuler du symbolique pour pouvoir dialoguer avec une œuvre 
  • expérimenter la rencontre entre deux démarches : celle de l’artiste (qui fait faire à l’autre « un peu d’économie d’histoire ») et celle de celui qui reçoit l’œuvre. 
  • Faire se rencontrer des histoires (ne pas réduire l’œuvre à sa seule forme car on la « déshumanise » et la « désuniversalise ».

 

 

Quelques conseils de Johanne Larrouzé pour construire la médiation d’une œuvre, sans modéliser pour autant : 

• « Dégager un ou deux axes, un ou deux points d’arrêt dans l’œuvre, pour l’ouvrir »

◦ S’inspirer pour cela de la description par Roland Barthes de son rapport à la photographie, décrit dans son livre La Chambre claire, avec pour lui deux points de départ distincts face à une œuvre :

▪ To like (apprécier) → « Studium » = application à une chose, goût pour quelque chose, recherche d’informations sur un objet , intérêt pour la découverte, le contexte…

Approche plus intellectuelle, plus construite. 

▪ To love → « Punctum » (blessure, flèche) = quelque chose qui part de l’œuvre et vient le toucher « malgré lui ». Approche plus émotionnelle, plus sensible, pouvoir « universel » qu’ont les grandes œuvres, cf. en langage courant le détail qui tue, celui vers lequel on retourne sans cesse. 

  • On peut désigner, pointer, le punctum d’une photographie.
  • « Arriver donc à faire sentir à quel endroit l’œuvre se joue ; trouver un élément questionnant ».

 

• « Faire un travail de contextualisation »

◦ « Analyser la forme artistique » :

▪ décrire, rendre objectivables les qualités de l’œuvre : ce qui la constitue (couleurs, textures, nombre de comédiens, texte, type de vocabulaire, costumes, lumières).

Travailler sur la « matière première ».

▪ décrire, rendre objectivables les formes de l’œuvre (plans, courbes, nombres d’actes ou de scènes, place des personnages les uns par rapport aux autres, motifs, style…).

▪ décrire, rendre objectivables les valeurs des formes (couleurs fortes, criardes, sourdes, plateau dépouillé, voix monocordes ou riches…) → début de la mesure, passage progressif à l’interprétation. 

◦ Puis interpréter ce qu’on voit à la lueur de l’analyse réalisée :

▪ « Répondre à la question : qu’est-ce qui fait point d’arrêt ? ». 

▪ Puis : « à partir de ce point, quelle question universelle pose cette œuvre ? » 

  • « Partir de la matérialité pour évoluer progressivement vers l’interprétation protège du délire interprétatif » ainsi que de l’avis immédiat « j’aime, j’aime pas » (qui fuse quand on se contente de donner la parole sans accompagner la prise de parole). Décrire ensemble, en groupe, « permet de délier les langues » et d’opérer un passage quasi naturel vers la mesure puis la construction d’un avis. « Décrire favorise l’appropriation ».
  • Un danger à éviter : « la parole clôturante du médiateur qui assène la vérité sur l’œuvre ». En revanche, « validation possible de la pertinence des interprétations » (qui rejoignent souvent celles des spécialistes car maillage entre matérialité de l’œuvre, sa construction et ce qu’on en dit).
  • « Cette démarche est capitalisable par les publics et scientifiquement recevable avec des apports théoriques et savants minimaux ».
  • Pour le spectacle vivant : pas possible de faire cela pendant le spectacle. Travailler en amont et en aval à partir de la matière dont on dispose. Ne pas oublier la possibilité de « travailler sur la mémoire du spectateur ».

 

Mise en application : interprétation collective du tableau de Cézanne La mer à l’Estaque. 

 

Deux conseils de lecture de Johanne Larrouzé : 

 

  • Sur les publics : Christian Ruby, L’Âge du public et du spectateur : essai sur les dispositions esthétiques et politiques du public moderne, Lettre volée (coll. Essais), 2006.
  • Sur le spectateur : Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, éd. La Fabrique, 2008, 150 p.